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Un centre de prostitution à Lyon ?

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© Jérémie Taite et Laurie Paillet

Le projet de Lyon-Confluence avance, on connait ces grands projets phares mais on oublie que les entrepôts n’étaient pas tous vides. Sans rentrer dans un débat politique sur la prostitution, ce qui n’est pas l’objet de cet article. Deux jeunes architectes ont voulu se pencher sur un possible lieu de travail dédié à la prostitution, intégré à la vie urbaine de ce quartier en mutation. Jérémie Taite et Laurie Paillet ont profité du concours Gaudi d’octobre dernier pour se pencher sur cette question, ce projet n’a pas été primé car celui-ci n’était pas dans l’esprit «durable» du concours.

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© Jérémie Taite et Laurie Paillet

Kévin Poireau : Le programme était de concevoir une halle urbaine avec une démarche HQE, vous avez contourné le sujet, en quoi ce dernier ne vous intéressait-il pas ?

Jérémie Taite et Laurie Paillet : Concernant le programme, il s’agissait de créer de toute part ou de réhabiliter un espace urbain en « Marché couvert durable », la thématique du marché renvoyant a un lieu de convivialité et d’échange privilégié au sein de la ville. L’aspect environnemental devait y être très présent et le projet présenter une posture vis à vis du développement durable.

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Mais nous avons trouvé que comme trop souvent dans les concours d’architecture réservés aux étudiants, la notion de développement durable était trop centrale au détriment de toutes les autres grandes questions inhérentes au processus de projet. Pour nous cette notion de développement durable et bien sûr importante, mais elle doit être avant tout une question de bon sens et être traité sur le même plan que le rapport au contexte, que le langage architecturale, que la dimension constructive, etc…

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© Jérémie Taite et Laurie Paillet

Kévin Poireau : De quelle manière vous est-il venu l’idée de créer un lieu de travail pour les prostituées ?

Jérémie Taite et Laurie Paillet : Nous sommes tombés amoureux de l’ancien marché gare lors de concerts donnés en son sein, mais nous connaissions déjà le quartier depuis longtemps. Au temps où le marché gare fonctionnait encore et où ni le siège du conseil régional ni le port ni les logements n’existaient. A cette époque le quartier était très vivant et animé par le balais des camions qui irriguaient le marché de gros, la prostitution était omniprésente de part et d’autre du marché jusqu’à la confluence, les camionnettes prenaient une place particulière et participaient de l’identité du quartier. Pour autant l’endroit était bien sur peu fréquenté par la population et les riverains.

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C’est lors de notre visite récente lors d’un concert que nous avons été surpris de constater la désertion des lieux… Nous nous sommes alors interrogés sur le devenir de ce lieu aux multiples potentialités et sur la situation des prostituées. Nous avons donc imaginé, par le biais de la thématique du concours Gaudi, une réhabilitation contextuelle de ce lieu. Un marché traditionnel y trouverait parfaitement sa place mais pourquoi repousser encore une fois la prostitution. Nous avons donc imaginé quelles réponses donneraient les architectes si la prostitution se posait comme un problème spatial et urbain. Comment associer deux espaces radicalement opposés en usage. Nous voulions réfléchir à une solution différente face au rejet systématique de la prostitution aux périphéries de villes.

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© Jérémie Taite et Laurie Paillet

Kévin Poireau : Votre projet se situe à Lyon-Confluence dans un ancien entrepôt, un entrepôt qui est très fréquenté par les prostituées. De quelle manière le projet de Lyon-Confluence projette-t-il de traiter ce bâtiment ?

Jérémie Taite et Laurie Paillet : Il s’agit de l’ancien marché de gros de Lyon » véritable ventre de Lyon » il est aujourd’hui abandonné mais n’est pas non plus fréquenté par les prostitués, elles travaillaient seulement à sa périphérie sur le bord de la route et ont été délogées quand la première phase du projet urbain Lyon-Confluence a débuté. Le projet urbain ne propose aucun traitement de ce bâtiment, simplement sa destruction.

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© Jérémie Taite et Laurie Paillet

Kévin Poireau : Centre de prostituées ou centre de prostitution ?

Jérémie Taite et Laurie Paillet : Le projet propose des loges où travailler, adaptées bien entendu au métier de la prostitution (lit, sanitaires).

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© Jérémie Taite et Laurie Paillet

Kévin Poireau : Votre projet propose de réunir les marchés de légumes avec les marchés de la nuit, vous traitez donc ce métier à hauteur égale qu’un vendeur de viandes ou de vêtements. N’est-ce pas une marque d’engagement de votre part pour défendre leurs droits ?

Jérémie Taite et Laurie Paillet : Il n’est pas question de comparer ces deux lieux, nous ne faisons aucun jugement de valeur en ce sens. Dans une ville vous trouvez des activités radicalement opposées qui pourtant se côtoient de près sans pourtant être associées. Elles sont côte à côte car elles correspondent chacune à des besoins. De plus aucune communication interne n’existe dans le projet. Les modules des prostituées et ceux du marché se tournent le dos et ne communiquent à aucun moment. C’est la voie publique qui permet leur accès.

Nous avons essayé de nous en tenir à une neutralité presque théorique, peu importe notre opinion sur la prostitution, c’est une activité qui génère de fait des questions spatiales et urbaines, réfléchissons y en notre qualité d’architecte, proposons une réponse possible au sujet donné.

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© Jérémie Taite et Laurie Paillet

Kévin Poireau : Avez-vous rencontré des prostituées afin de connaître leurs points de vues vis-à-vis du projet urbain et de leurs migrations forcées ou sur leurs attentes sur un éventuel lieu comme celui que vous proposez (en dehors d’une séance de travail, cela va de soi) ?

Jérémie Taite et Laurie Paillet : Nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de rencontrer des prostituées, nous nous sommes appuyés sur divers témoignages, bien souvent les deux grandes inquiétudes qui émergent de leur part sont le manque de sécurité et d’hygiène.

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